J’aime les bonnes surprises sorties de nulle part.
Le cinéma japonais et moi, ça n’a jamais été bien loin. Je n’ai pas beaucoup d’expérience dans le domaine et le peu de ce que j’ai vu ne m’a pas super convaincu, surtout par une chose en particulier : le jeu d’acteur. Que ça soit au ciné ou même dans les dramas, les quelques exemples que j’ai vu avec plus ou moins d’attention m’ont toujours paru sur-joués et donc fatalement ridicule, flinguant « l’immersion » ; un peu comme le cinéma français et son jeu d’acteur parfois trop théâtrale. Evidemment, je suis loin d’avoir tout vu et les contre exemples ne manquent sans doute pas. N’empêche que, même en étant conscient de ça, on part sur des aprioris pas toujours justes. Et Dieu sait que je peux me tromper…
Récemment, lors d’une énième soirée de chômage remplit d’ennuis, je me balladais sur le fameux site WTF Japan Seriously ?, ce site qui recense divers vidéos plus ou moins impressionnantes, délirantes voir flippantes en provenance direct du Japon, forcément. A force de lurker page après page, je tombe sur cette vidéo.
Qu’est-ce que hein ?
Je veux dire, ce que je viens de voir, c’est bien : un film où un japonais à la coupe au bol affreuse se retrouve enfermé dans une salle entièrement fermée où son seul moyen de sortir sera de trouver le bon interrupteur en forme de sexe de petits n’enfants !? Le tout, vu par d’autres trailers, entre coupé de passages ne semblant n’avoir aucun rapport avec ce qui a été montré juste avant ? Sérieusement ?
Partant d’un tel postulat, ça m’a carrément intrigué. Symbol (ou Shinboru en jap) semble complètement barré, sorte de version japonaise humoristique d’un Cube bien violent à l’origine, soutenu par un héros en total roue libre. Et en plus, il y a des catcheurs mexicains, j’en connais un qui serait intéressé pour le coup. Donc… pourquoi pas ? Et autant le dire tout de suite : si je m’attendais à voir un film bien « WTF » sans grand intérêt qui ne se repose que sur son côté décalé pour attirer le chaland et finir par être rapidement oublié ; je dois admettre que le résultat final en vaut vraiment la peine.
Je dois tout de même reconnaître que ce n’est pas chose facile de disserter sur un tel film. Concrètement parlant, il ne s‘y passe pas grand-chose. De façon alternée, on suit donc la « vie » d’un lutteur mexicain (Qui parle d’ailleurs en Espagnol même en VO) anonyme (sa vie de famille, ses futurs combats) et la vie d’un japonais (qui n’a pas de nom non plus) qui se réveille enfermé dans une salle blindée de sexes d’enfants. Et c’est tout. Le scénario, tout comme la mise en scène, est réduit à sa plus simple expression en quelque sorte, ça n’ira – malgré quelques twists ici et là – jamais bien loin et le postulat de base restera le même jusqu’au bout. Là, pour le coup, on se demande quel peut être l’intérêt d’une telle histoire, si ça va vraiment nous accrocher. Parce que suivre un lutteur mexicain sans histoire et un japonais lui aussi obscure pour le spectateur, c’est quand même un coup à se tirer une balle dans le pied.
Et pourtant, ça marche assez bien ! J’y ai trouvé un bon dosage entre :
– La partie Mexicaine, qui intrigue régulièrement le spectateur, malgré son absence de véritables enjeux, parce qu’on sait pertinemment que ça va déboucher sur quelque chose, ça ne peut pas être balancé « comme ça ». C’est calme, il y a peu de dialogue, l’ambiance y est presque pesante.
– Les passages sur le japonais dans sa piaule relance constamment l’intérêt du film (pour « compenser » l’autre partie), dans une ambiance totalement différente. Plus drôle, plus fantaisiste, avec un héros expressif malgré sa solitude.
Deux visions différentes au sein d’un même film. D’un côté un aspect presque documentaire sans importance et de l’autre, la quête désespérée (mais drôle) d’un homme qui cherche à s’enfuir par tous les moyens de là où il est.
Malgré tout, je ne cacherai pas que si on regarde le film, c’est surtout pour voir le héros tenter de prendre la fuite. En fait c’est bien simple, de mon point de vue et via mes différentes expériences, Symbol m’a furieusement fait penser à un jeu vidéo. Tout semble construit comme une sorte de Point’n’Click Live géant où notre héros du dimanche à la coupe improbable va tenter de trouver la bonne combinaison. Une bonne combinaison, justement, qu’il tentera de deviner un peu au pif, en y allant par tâtonnement, en découvrant les éléments clés par accident… comme tout bon Point’n’Click qui se respecte. Et c’est pour ça que j’aime ce film.
J’ai l’impression de voir un Let’s Play géant, avec ces moments de gros fails, ces tentatives désespérés en associant de force des objets qui n’iront jamais ensemble et – limite – soutenir le héros quand il arrive au bout du chemin. C’est un aspect qui m’a vraiment plu, car ça permet de nombreux délires, de nombreux passages humoristiques. L’acteur qui joue le héros s’en donne réellement à cœur joie pour compenser le vide occasionné par le scénario. Sans lui, le film n’aurait pas cette saveur particulière. On le trouve ringard, kitsh (CE PYJAMA), limite repoussant à la fois mais on finit par vraiment l’apprécier, le trouver attachant et on a envie de le voir sortir de là après tant d’effort, même si ses échecs m’ont fait bien rire.
Néanmoins, fatalement, ça pose un problème digne des jeux du genre : c’est encore regardable et appréciable mais c’est un film qu’il vaut mieux voir qu’une fois. Ca peut paraître évident (on rematte moins souvent/facilement un film qu’on refait un jeu vidéo), mais c’est vraiment le genre de film qui joue constamment sur la surprise, sur la découverte des différents éléments du scénario pour se savourer comme il se doit. C’est très conceptuel (trop ?), expérimental mais c’est surtout une grosse bouffée d’air frais de part son pitch initial et la façon dont il le développe et… il le fait bien, surtout.
Ça marche bien, c’est fun à suivre, la réalisation fait son boulot (rien d’extraordinaire, rien de mauvais, même les CGI passent bien) et je ne me suis – surtout – jamais ennuyé un seul instant malgré un scénario volontairement obscure (malgré quelques « révélations »). Surtout avec cette fin, sans doute pleine de sens cachés qui me sont passés au dessus de la tête. Si vous avez d’ailleurs des interprétations sous la main (ou la vôtre), je dis pas non !
En tout cas, il a su contrer mon apriori de base : celui d’être potentiellement un être film décalé dont il vaut mieux regarder les meilleurs moments sur Youtube que de se taper la version complète. Symbol est juste un tout pas mal réussi que je recommande chaudement ! En plus, ce n’est jamais sorti en France, il faudra faire avec du fansub pour le coup. Mais on mettra ça sur le dos de la bonne cause, et ça passe.